Nourrir les oiseaux l’hiver : séparer le bon grain de l’ivraie

Pourquoi nourrir les oiseaux en hiver? Avec quoi? Dans quoi? A quelle endroit? Quelles précautions à prendre? Toutes les réponses dans cet article. Et si vous avez d’autres questions sur ce sujet? … contactez moi.

Pourquoi nourrir les oiseaux l’hiver?

Tout d’abord le froid. Malgré son plumage isolant, il est facile d’imaginer les pertes caloriques engendrées par une température négative sur un oiseau comme la mésange bleue qui ne pèse que 10 g (l’équivalent de 2 morceaux de sucre).

Qu’à cela ne tienne, il suffit de manger davantage pour compenser les pertes. La nature, généreuse à l’automne, voit sa végétation se charger de baies, de graines que l’on retrouve également un peu partout au sol. C’est d’ailleurs le rôle des graines de s’éparpiller un peu partout pour coloniser de nouveaux territoires, aidées par une kyrielle d’animaux, qui croquent au passage une partie du stock pour « services rendus ».
Le stock naturel de nourriture pour l’hiver s’amenuise donc à mesure que nous avançons dans l’hiver.

C’est ainsi que fonctionne la nature depuis toujours me direz-vous ? Eh bien pas tout à fait! La raréfaction des haies, des vergers, des noyeraies… et l’efficacité des machines agricoles permettant le ramassage systématique des fruits et graines… rabotent grandement le stock de départ.

 Enfin, pour corser le tout,

  • la durée de la nuit où les températures sont les plus froides augmente,
  • la durée du jour nécessaire aux oiseaux pour rechercher leur nourriture diminue.
  • le gel fige la nourriture au sol
  • la neige la recouvre.

La période de nourrissage se fait donc entre les premières gelées et la fonte des neige, selon les régions et les années entre novembre et mars. Cette période semble se rétrécir sans aucun doute en lien avec le dérèglement climatique.

Pourquoi s’abstenir de nourrir l’été

Les oiseaux de la mangeoire sont en grande partie des insectivores à la belle saison et deviennent granivores l’hiver pour palier l’absence d’insectes durant cette période. C’est l’une des stratégies pour affronter la saison froide parmi d’autres : hivernation, hibernation, migration partielle ou totale …

Bon nombre de passereaux du jardin qui visitent la mangeoire l’hiver sont donc l’été des insectivores. Opportunistes pour la plupart, ils se nourrissent des insectes les plus nombreux. Ils jouent donc un rôle crucial de régulateur lors d’explosions démographiques chez certaines de ces bestioles, limitant ainsi les dégâts, au potager par exemple. nourrir les oiseaux l’été, c’est perturber l’équilibre naturelle mise en place par dame nature : Un peu de respect pour cette vielle dame, s’il vous plait.


Mais que doit-on leur donner à manger?

Ne pas donner les restes de repas souvent trop salés, pas de lait que les oiseaux sont incapables de digérer, pas de pain non plus, qui gonfle ensuite dans leur appareil digestif leur donnant l’impression de satiété alors que le pain est peu nourrissant.
D’insectivores, nous l’avons vu plus haut, les oiseaux deviennent granivores pour survivre l’hiver … Alors pourquoi ne pas leur donner des graines ? on a l’embarras du choix… Eh bien non, pas tant que cela!


Eviter les mélanges de graines

Les mélanges de graines vendus dans le commerce ne sont pas toujours adaptés. La faune sauvage n’ayant rien avoir avec des canaris en cages, certaines graines exotiques peuvent même être toxiques pour nos piafs. Le prix exorbitant de ces mélanges associé au gaspillage inévitable n’est pas une bonne affaire. En effet, les oiseaux font le tri et choisissent ce qui leur semble le meilleur pour eux. Certaines graines sont donc délaissées, jonchent le sol de la mangeoire, prennent l’humidité, et finissent par « se gâter » rendant ainsi malades les oiseaux qui les mangent au sol.

Si vraiment vous souhaitez mettre plusieurs variétés de graines, il est préférable de ne pas les mélanger, les oiseaux n’étant ainsi pas obligés de tout sortir pour atteindre leurs graines préférées. D’ailleurs, ce raisonnement est le même si vous élevez des poules et que vous souhaitez leur proposer une alimentation variée sans gaspillage.


Bannir les graines exotiques

Eviter à tout prix les graines exotiques qui ont fait le tour du monde avant de venir nourrir vos oiseaux. Les mésanges seraient très embêtées de participer à cette mondialisation destructrice. La cacahuète en particulier qui , cerise sur le gâteau, dégage en plus des toxines lorsqu’elle se trouve à l’humidité.


Préférez les graines bio et locales, c’est idéal.

le tournesol, un concentré de bienfait

Orge, millet, blé, avoine, peuvent faire l’affaire mais le tournesol est LA graine idéale (bio de préférence) pour plusieurs raisons. Elle est riche en lipides et en acides aminés : les premiers pour l’apport en calories « le carburant » de la petite machine volante, les seconds pour le renouvellement « des pièces ». C’est par exemple le complément alimentaire que l’on donne aux poules lorsqu’elles muent, c’est-à-dire qu’elles changent de plumage. C’est en effet une étape qui demande beaucoup d’énergie et de matières (refabriquer les plumes).

la coque de la graine de tournesol, un emballage anti-squat:

la graine de tournesol nécessite d’être décortiquée, opération un peu délicate obligeant souvent l’oiseau à s’éloigner du brouaha de la mangeoire pour effectuer ce travail minutieux.

Ainsi, cela évite que certains d’entre eux, un peu plus hargneux que les autres, se posent devant la mangeoire, et se gavent de petites graines « prêtes à manger ». Ils leur suffit de secouer les ailes pour effrayer les autres espèces plus petites et ainsi privatiser les lieux.

Graines de tournesol

la coque de la graine de tournesol, un emballage antihumidité:

De plus, si vos ouailles ont tendance à manger comme des gorets, les graines de tournesol jonchant le sol sont protégées de l’humidité par une coque et se gâtent ainsi moins vite laissant la possibilité aux oiseaux mangeant à terre de profiter de ces graines. Loin de moi l’idée de faire l’apologie des emballages, mais pour le coup,celui-ci, biodégradable, est quand même bien pratique.

Enfin, il n’est pas désagréable de voir pousser ici et là de jolis tournesols à la belle saison suivante, se rappelant pendant un épisode caniculaire les va-et-vient incessant des mésanges dans un paysage blanc hivernal. (effet clim assuré).

Les noix ou noisettes sont particulièrement riches en graisse (ce n’est pas pour rien qu’on en fait de l’huile) et conviennent donc parfaitement bien aux hôtes de nos jardins. entières pour le pic et la sitelle, concassées mais non triées pour les autres. Profitez de vos sortie automnales pour leur confectionner un petit stock.


Où dois je installer ma mangeoire?

Il est nécessaire d’installer votre mangeoire à au moins 1m, 1,5m du sol, avec les alentours bien dégagés. Et oui, les piafs « se volent parfois dans les plumes » projetant des graines au pied de la mangeoire. Cela fera bien l’affaire de certaines espèces « plus timides » n’appréciant pas l’effervescence du plateau des mangeoires. C’est le cas du pinson des arbres qui, comme son nom ne l’indique pas, mange de préférence au sol l’hiver. Le pied de la mangeoire doit donc être bien dégagé si l’objectif est de nourrir les oiseaux, plutôt que les matous du quartier.


A quoi doit ressembler ma mangeoire?

Votre mangeoire doit contenir une réserve car le nourrissage ne doit pas s’interrompre avant la fin de la période froide. Les oiseaux n’ont pas de raison de trouver d’autres sources alimentaires que la vôtre (vous faites si bien à manger, et avec abondance en plus) et face à un arrêt brutal du nourrissage, ils seraient comme la cigale « fort dépourvus, quand la bise fût venue… »

Cette réserve doit être à l’abri de l’humidité et des fientes des oiseaux. Un plateau surmonté d’un toit avec une grosse quantité de graines en son centre serait très vite souillée et éparpillée.

Cela dit, il n’est pas nécessaire d’acheter une mangeoire biscornue, colorée, fabriquée de l’autre côté de la planète en forme de château de la reine des neiges même si c’est la saison… Optez pour un modèle simple, en bois de préférence. Évitez le plastique, d’abord par ce que c’est du plastique, mais aussi parce que sa totale étanchéité laisse rapidement apparaître de la condensation, là où le bois a plutôt tendance à la réguler.

Ci dessous, des mangeoires vendues par la Hulotte, « le journal le plus lu dans les terriers ». C’est pour moi le modèle idéal, tout comme cette revue, pour tout savoir sur la nature, avec humour et rigueur scientifique. https://www.lahulotte.fr/

La compétition entre oiseaux, la transmission de maladies, l’attraction des prédateurs… sont des arguments en faveur de points de nourrissage multiples permettant de rendre plus discrète l’opération et limitant les désagréments de la promiscuité. De plus, si certains oiseaux s’approcheront derrière vos vitres pour se nourrir et pour votre plus grand plaisir, d’autres plus farouches mais tout aussi affamés, apprécieront davantage le fond du jardin.

Enfin, n’oubliez pas de nettoyer régulièrement les mangeoires pour ne pas laisser d’agents pathogènes se développer. Débarrasser les restes de coquilles éventuels à l’aide d’une brosse, en particulier dans les coins.


Et les boules de graisses?

Le contenant : les petits filets en plastique ont un gros défaut : ils sont en plastique. De plus, il arrive que les oiseaux se prennent les pattes dedans et n’arrivent pas à s’en dépêtrer, finissant par en mourir. Les coups de bec rapides et intempestifs rencontrent parfois ce filet très résistant qui peut couper comme un rasoir ou déchirer les commissures du bec.

Mésange charbonnière prise au piège

Le contenu : certaines boules de graisse contiennent des insectes lyophilisés. Imaginez : Une usine à insectes : zone d’élevage chauffée pour les petites bêtes, accumulation de substrat, de déjections, abattage(???), congélation, déshydratation, conservation, emballages, transports… Un commerce juteux qui n’engraisse pas que les mésanges… qui se refusent là encore à participer à ce monde de fou.

Comme vu plus haut, les oiseaux insectivores qui affrontent l’hiver chez nous deviennent granivores à la mauvaise saison. Leur physiologie est donc adaptée à cette alternance de régime carné et végétarien. L’apport carné n’est pas naturel à cette saison, et est donc à éviter.

Des études récentes ont montrés que ces apports protéiques leurrent l’organisme des oiseaux qui les associe au retour des insectes au printemps et prépare ainsi le métabolisme de la reproduction trop tôt dans la saison.

Concernant la graisse : d’origine animale, elle pose des problèmes cardiovasculaire à nos petits protégés (stop à la malbouffe!!!), d’origine végétale, il s’agit soit d’huile de palme, destructrice de forêt primaire, soit comme dans la végétaline, d’huile de coprah autrement dit de l’huile de coco pas très locale.

Jusqu’alors, je trouvais cela plutôt pratique, permettant de disséminer de la nourriture un peu partout sans nécessairement avoir besoin de me soucier de l’humidité, plutôt hygiénique, les crottes des oiseaux tombant au sol, un peu lucratif, je vends et apprends à faire des mangeoires en osier qui accueillent cette nourriture, mais à y regarder de près, c’est bien une fausse bonne idée. La meilleure des graisses est celle contenue dans les graines, en particulier de tournesol.


Et pour la soif?

N’oubliez pas de donner à boire aux oiseaux en particulier lorsque l’eau gel. Un ramequin avec quelques centimètres d’eau posés sur un rebord de fenêtre abrité côté sud pour ne pas que l’eau gèle trop vite fera parfaitement l’affaire. Rentrez le ramequin la nuit, changez l’eau le matin et renouvelez l’opération.

La mangeoire idéale

La mangeoire idéale dans votre jardin, c’est votre jardin…

  • Des haies diversifiées aux baies comestibles que l’on partage avec les hôtes de notre jardin.
  • Des haies aux baies non comestibles qu’on laisse bien volontiers aux hôtes de notre jardin.
  • Des tas de bois abritant une foule d’insectes jusqu’au milieu de l’hiver.
  • Un tapis de feuilles non ramassées que les merles brasseront tant que la neige ne l’aura pas recouvert.
  • Les restes de floraisons des plates bandes de fleurs regorgeant encore de graines appréciées des oiseaux.

Le nettoyage du jardin à l’automne,

Voilà une drôle d’idée… que j’ai abandonné manque de temps, mais pas uniquement. En fin de saison, il est de bon usage de faire un grand nettoyage : les tiges florales disgracieuses, les feuilles séchées des plantes herbacées, vivaces ou pérennes, les feuilles des arbres… 3 solutions s’offrent à vous :

  • hop, tout dans de grands sacs poubelle et direction la déchetterie.
  • zou, tout au fond du jardin pour un grand feu de joie.
  • bam, tout sur le compost.

Dans le premier cas : utilisation de sacs… plastiques et de carburant pour le transport jusqu’à la déchetterie, où ces déchets seront compostés à Tataouine les bains (cherchez pas sur une carte, c’est trop loin), nécessitant encore du carburant pour les y emmener. Le compost obtenu sera mis en sacs… plastiques, bien sûr, transporté dans un magasin, où, votre voisin ou vous-même irez en voiture en acheter pour vos plantations à la saison prochaine. Amis du plastique et du carburant, bienvenue!

Dans le deuxième cas, l’écobuage étant tout bonnement interdit, on pourrait en rester là. Rappelons tout de même que vous brûlez des tas de bestioles, de graines, et de la végétation bien utiles pour le jardin, ne serait-ce que pour nourrir les oiseaux, ou faire du compost.

Dans le dernier cas, la majorité des graines consommables par les oiseaux se retrouvent sous un amas de végétation que le plus gros des merles aura bien du mal à retourner. De plus, la concentration des déchets verts accélère la décomposition de la matière, c’est le principe du compost, et détruit donc plus rapidement les victuailles de nos hôtes ailées. Compost que vous remettrez en place au jardin pour enrichir le sol. Beaucoup de manutention que l’on peut éviter.

Laisser faire la nature

D’abord parce qu’au printemps, on a tendance à nettoyer de nouveau avant la saison qui commence. Petites tailles, branches ou tiges cassées par la neige ou les coups de vents… Alors autant ne faire le travail qu’une fois.

Ensuite, parce que le compostage se fait très bien sur place, évitant ainsi à mes tendinites de me donner de leurs nouvelles. Et il se fera de mieux en mieux, année après année, la micro faune de vos plates-bandes n’étant plus dérangée par un râteau-ravageur chaque année.

Enfin, cette micro faune riche servira de temps en temps aux oiseaux qui restent le plus longtemps possible insectivores comme le troglodyte mignon. Sans compter le bonheur de voir les granivores finir de vider les inflorescences de leurs graines qui auraient oublié d’aller coloniser de nouveaux milieux…