Noir comme charbon

La phalène du bouleau, à peine évoquée dans la petite chronique de la semaine dernière, souhaite être mise en lumière : un comble pour un papillon de nuit…mais ne la fâchons pas, son histoire est tout aussi intéressante.

L’homochromie saisonnière

Certains animaux changent de couleur, nous l’avons vu, pour se fondre avec celui du manteau neigeux qui recouvre leur territoire hivernal. Cela leur permet d’éviter d’être vus, soit de leur proie, soit de leur prédateur.

Passer incognito ou de vie à trépas

La phalène du bouleau a bien compris l’intérêt du mimétise, en particulier pour un insecte qui passe la journée posé contre un arbre à attendre la nuit suivante pour s’activer. Osé, quand on sait que les mésanges rodent et auscultent toute la journée le moindre tronc, branche, rameau, à la recherche du plus petit vermisseau à se mettre sous le bec. On se dit que le camouflage a intérêt d’être à la hauteur.

Un camouflage presque parfait

La phalène du bouleau, qui comme son nom l’indique est inféodée à l’arbre du même nom dont l’écorce est blanche avec des taches noires, est elle-même blanche avec des taches noires. D’autres arbres à l’écorce plus sombre arborent ça et là des lichens clairs tachetés également. Dans les 2 cas, la phalène n’a donc pas trop de soucis à se faire… jusqu’au jour où…

Changement de décor, changement de tenue

Au milieu du 20ième siècle, les usines des grandes agglomérations tournent à plein régime… au charbon ! Les agglomérations se voient couvertes d’un voile gris et rien n’y échappe, pas même l’écorce des arbres. 90% de la population de phalènes arborent une tenue entièrement noire.  

Les phalènes blanches ne se sont pas réunies un beau matin en se disant : « Aujourd’hui, on est bien trop visibles sur nos perchoirs diurnes et sombres ! Si on veut encore que notre espèce perdure les gars, faut changer de couleurs, allez au boulot, tous à vos pinceaux ! ».

la sélection naturelle

L’évolution des espèces se fait donc au gré d’une mutation, amplifié ou pas par la sélection naturelle. Si la mutation apporte un avantage aux individus qui la portent, dans leur survie, leur reproduction, ils deviendront rapidement majoritaires. Dans le cas contraire, la mutation disparaitra.

Le mélanisme

Celle rendant un animal noir est bien connue : c’est le mélanisme. Elle est due à un excès d’un pigment qui colore la peau : la mélanine. Toutes les classes du règne animal sont concernées par le phénomène: insectes, poissons, amphibiens, reptiles, oiseaux, mammifères. Les observations d’animaux mélaniques sont rares, car sans intérêts pour les individus qui portent cette mutation.

Virage à 180 °

En 1848, un individu de phalène du bouleau est capturé par un entomologiste dans la banlieue de Manchester. Cette mutation sans intérêt à l’époque, passe à la trappe. 100 ans plus tard, elle est un atout majeur, les phalènes blanches, visibles comme le nez au milieu de la figure, se font becqueter sans vergogne et surtout sans pouvoir se reproduire et transmettre leur couleur à leurs descendants. C’est tout le contraire pour les phalènes noires qui, parfaitement camouflées, se reproduisent avec entrain et engendrent donc un grand nombre d’individus de forme noires. Evolution de l’espèce, les phalènes blanches tachetées deviennent uniformément noires.

Un phénomène réversible

En 1956, le parlement de Londres interdit purement et simplement l’émission de dioxines dans l’air, provoquant la fermeture des usines à charbon dans les 2 années qui suivirent. Depuis, les phalènes noires sont redevenues « exception », laissant la place aux couleurs originelles, blanches tachetées de noirs, de l’espèce : le phénomène est donc réversible.